Tout est factice, et alors ? C’est en substance la réaction que Facebook a adressée à l’Élysée concernant une vidéo, créée par intelligence artificielle, intitulée « Coup d’État en France ». Ce faux report annonce un coup de force à Paris, illustré par la montée au pouvoir d’un colonel. Un récit absurde, mais qui a captivé l’attention, atteignant 12 millions de vues. Face à cela, l’Élysée a sollicité Pharos, la plateforme de signalement des contenus illicites, pour demander le retrait de cette fake news. Facebook a refusé, arguant que cela ne contrevenait pas à ses règles d'utilisation.
Cette anecdote a été récemment relatée par Emmanuel Macron lors d'une interview avec La Provence. Il illustre un constat clair : les géants technologiques sont si enivrés par leur propre puissance qu’ils dédaignent même une demande émanant d'un chef d'État.
Ce phénomène n’est pas surprenant. Les tycoons du numérique manifestent peu d’intérêt pour des institutions anciennes telles que les États-Nations, alors que les réseaux sociaux créent un univers parallèle où la visibilité et l'émotion prévalent sur la vérité. Leur pouvoir est titanesque : leurs algorithmes décident ce qui est mis en avant ou occulté.
La liberté d’expression aux États-Unis, où tout est permis, ne s’applique pas au même degré en Europe
Depuis deux ans, l’Union européenne développe des outils juridiques, comme le Digital Services Act, pour établir un cadre dans ce paysage souvent chaotique. Contrairement aux États-Unis, où la liberté d’expression est presque absolue, l’Europe impose des limites : diffamation, incitation à la haine raciale, et autres problématiques fournissent un terrain fertile pour les interventions réglementaires. Bruxelles a ainsi infligé plusieurs milliards d’euros d’amendes à des entreprises numériques américaines. Dernièrement, 120 millions d’euros ont été versés à X, un montant non négligeable pour une société qui, bien qu'influente, est peu lucrative.
Cependant, le processus d’enquête est long et les sanctions tardent à être appliquées, souvent affectées par la peur de répercussions économiques de la part des États-Unis.
Alors qu’elle tente de se libérer progressivement de la domination militaire américaine, il est crucial que l’Europe maintienne une position ferme en faveur de l’indépendance numérique. Il en va de la souveraineté et de la démocratie. Au cœur de la lutte contre la réglementation européenne, certains acteurs politiques brandissent le terme de « liberté d’expression ». Un argument qui, de la part d’une administration souvent accusée de restreindre les voix dissidentes, résonne d’une façon profondément indécente. Il est temps que l’Europe affirme son pouvoir et sa légitimité sur le terrain numérique, une question d'identité et de responsabilité démocratique.







