Des documents récemment déclassifiés offrent un aperçu fascinant de l'opération "Colère de Dieu", le programme d'assassinats orchestré par le Mossad après le tragique attentat des Jeux olympiques de Munich en 1972. Un ouvrage d’Aviva Guttmann, experte britannique en renseignement, met en lumière comment les services européens ont, parfois à leur insu, facilité cette campagne de vengeance contre le groupe "Septembre noir".
Le soir du 16 octobre 1972, Wael Zwaiter, un jeune Palestinien travaillant à l'ambassade de Libye comme traducteur, est tombé sous les balles de deux agents israéliens, exécuté de froid par le Mossad. Ce premier meurtre a marqué le début d'une série d'assassinats, tous liés d'une manière ou d'une autre à l'attentat des JO. "Chaque balle tirée était une réponse à la tragédie de Munich", explique Guttmann. Les assassinats, peaufinés par le Mossad, ont façonné leur réputation d'efficacité impitoyable, mais ce nouvel ouvrage démontre que cette opération n'aurait pas pu être menée sans le soutien tactique d'organismes de renseignement européens.
Au cœur de cette collaboration se trouve le "Club de Berne", une alliance discrète créée en 1969 et composée de chefs de services secrets de plusieurs pays, dont la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni. Pour compléter leurs efforts, ces services ont utilisé un échange d'informations nommé Kilowatt, permettant au Mossad d'accéder à des renseignements cruciaux à la suite de la prise d’otage de Munich. Des fonctionnaires allemands, français et italiens ont fourni des informations vitales sur des cibles, rendant possible la mise en œuvre rapide des plans israéliens.
L'un des exemples les plus probants de cette coopération a été l'assassinat de Mohamed Boudia, un militant algérien considéré comme un leader de "Septembre noir" en France. Les renseignements suisses ont aidé le Mossad à identifier ses caches et son véhicule personnel, facilitant ainsi une opération qui a prouvé combien la coopération entre ces agences pouvait être utile, mais aussi moralement trouble.
Les répercussions de cette situation sont encore à analyser. L'historienne Guttmann souligne qu'il ne s'agissait pas seulement d'une question d'efficacité, mais aussi de responsabilité morale. "Les services de renseignement européens avaient les yeux ouverts, mais ont choisi de rester en retrait, estimant peut-être qu'il valait mieux laisser Israël effectuer les opérations délicates qui leur posaient problème", précise-t-elle.
Il est à noter que le Mossad, tenté par un certain laxisme dans ses pratiques, a également connu des échecs retentissants. L'un d'eux fut l'assassinat d'un homme innocent à Lillehammer, en Norvège, où le Mossad a confondu Ahmed Bouchiki avec le véritable cerveau de l'attentat de Munich. Ce fiasco a révélé à quel point la précipitation et la surestimation des capacités du renseignement pouvaient mener à des erreurs tragiques en dehors des frontières israéliennes.
Alors que l’on découvre de plus en plus de détails sur cette période tumultueuse, il devient essentiel d’évaluer les conséquences de cette ligne d'action, tant pour les agences impliquées que pour les relations internationales qui ont suivi ces événements. Ces révélations ouvrent une voie à des questions difficiles sur les limites éthiques de la collaboration entre les services de renseignement et les politiques de répression.







