José Antonio Kast, le candidat ultraconservateur, a été élu président du Chili, marquant un tournant historique pour le pays. Ce résultat, sans précédent depuis la fin de la dictature de Pinochet, renoue avec les fractures laissées par ces années sombres et réveille des souvenirs encore douloureux chez de nombreux Chiliens.
En 2017, Kast avait déclaré : "Si Pinochet était encore en vie, il voterait pour moi." Cette affirmation s'est matérialisée lors des récentes élections, où le candidat est revenu sur le devant de la scène face à Jeannette Jara, la représentante de la gauche. Le résultat, qui témoigne d’une nette tendance à droite, a été largement interprété comme un rejet du gouvernement de Gabriel Boric, qui avait porté des espoirs de réforme après des années de droitisation.
La victoire de Kast ne peut être dissociée des échos persistants de la dictature. Stanford France 24 souligne que, selon un sondage d'El País, 30 % des Chiliens voient en Pinochet une figure stratégique pour le pays. Pour beaucoup, l'élection de Kast peut également s'expliquer par une demande de retour à l'ordre, dans un contexte de hausse de la criminalité, alimentée par des problèmes économiques croissants et une migration influx, notamment en provenance du Venezuela.
Un commentaire de Pascal Drouhaud, expert en la matière, souligne que les inquiétudes face à la criminalité ont largement contribué à la victoire de Kast, plus que la nostalgie pour le passé : "Ce n’est pas tant une idolâtrie pour Pinochet, mais une quête de sécurité". Toutefois, cette réalité peut sembler troublante pour des observateurs qui voient des résonances claires avec les politiques autoritaires de l'époque pinochetiste.
Pour l'historienne Lissell Quiroz, Kast incarne des éléments fondamentaux de la logique pinochetiste, notamment le modèle de l’homme patriarcal et autoritaire, garantissant un semblant de stabilité. Kast n’a pas besoin de mentionner son admiration pour Pinochet ; son discours et ses choix de campagne suffisent à évoquer cette époque dans l'imaginaire collectif.
Des partisans brandissant des portraits de Pinochet lors de célébrations électorales rappellent l'une des préoccupations de la société chilienne : la mémoire de la répression s’est estompée, notamment chez les jeunes qui n’ont pas vécu la dictature. Cette réévaluation de l'histoire pose la question de l'identité et souligne le besoin de comprendre la dynamique sociale actuelle.
En prenant ses fonctions, Kast prévoit une réduction significative des dépenses publiques, ce qui relance des débats sur le néolibéralisme et les privatisations. Les promesses visant à assurer une stabilité économique pourraient masquer les effets dévastateurs de telles politiques sur les classes populaires, un héritage que de nombreux critiques, comme la sociologue Marta Vuskovic, avertissent de manière répétée.
Dans un contexte où la mémoire collective joue un rôle crucial, la montée de Kast pourrait bien représenter non seulement un retour à un conservatisme ancien, mais aussi une réaction à des dynamiques sociétales nouvelles, entre modernité et régression. Le Chili, en cette période de transition, semble donc naviguer entre l'ombre d'une dictature passée et un avenir incertain.







