Paris (France) (AFP) – Au tribunal, les plaidoiries des avocats des parties civiles ont révélé un cynisme d'entreprise choquant. Lafarge, jugée pour ses choix en Syrie, est accusée d’avoir maintenu une cimenterie en versant des fonds à des groupes jihadistes, dont l'État islamique, jusqu'en 2014. L'accusation souligne que les bénéfices ont été considérés comme prioritaires par rapport aux risques encourus.
Après quatre semaines d’audiences, les avocats évoquent les dangers auxquels les employés syriens étaient exposés, ne faisant aucun secret des risques démesurés pris pour assurer la continuité de l’usine à Jalabiya. « Les travailleurs circulaient dans une atmosphere de peur, avec des checkpoints gérés par des groupes armés », a pointé Me Mathieu Bagard, représentant plusieurs anciens salariés. Selon lui, chaque paiement de sécurité ne faisait qu'intensifier le contrôle exercé par ces organisations.
Les autres avocats ont également mis en évidence la conscience de Lafarge concernant les implications de ces fonds. Me Grégoire Rialan, désignant un système défaillant, témoigne que « des choix délibérés ont été faits », menant à une forme de financement indirect du terrorisme. « Ce n'est pas une histoire de mauvaise gestion isolée, mais une posture systémique », renchérit Me Julie Février, de Sherpa.
Les responsabilités au sein de Lafarge semblent diluées, comme l'a fait remarquer Me Février, critiquant les excuses répétées des prévenus qui se rejettent la faute les uns sur les autres. L'ancien PDG, Bruno Lafont, a de nouveau affirmé ne pas avoir été informé des paiements controversés, une déclaration à laquelle beaucoup attribuent un certain décalage face aux implications de sa position.
Au-delà des procédures judiciaires, ce cas questionne le rôle des multinationales dans les conflits armés et leur responsabilité éthique. Les avocats des parties civiles, représentant 337 victimes, plaident pour que ces entreprises soient tenues pour responsables de leurs actes, afin de poser un précédent dissuasif pour d'autres. Comme l'indique Aurélie Valente, représentante du parquet national antiterroriste, « l'évaluation juridique de ces responsabilités est complexe », mais la souffrance des victimes doit également être reconnue.
Ce procès ne manquera pas d'avoir des répercussions sur la perception publique du rôle des entreprises dans les zones de conflit, encourageant une responsabilité accrue. Source : France 24.







