La Commission européenne cherche à renforcer les interconnexions énergétiques au sein de l'Union, mais la France s'oppose fermement à cette initiative. Avec une facture estimée à 1200 milliards d'euros d'ici 2040 pour les infrastructures, les inquiétudes se multiplient concernant le coût potentiel pour les consommateurs français.
« Faussement technique, réellement politique », a déclaré Thomas Veyrenc, directeur de RTE, à propos de ce qu'il qualifie de « paquet réseaux » présenté par Bruxelles. Les enjeux sont bien plus que techniques : ils relèvent d'une lutte d'influence entre l'Europe et ses États membres, puisque la Commission vise à centraliser les décisions de planification énergétique.
Le projet phare inclut la création d'« autoroutes énergétiques » reliant la France et l'Espagne, facilitant ainsi l'échange d'électricité et améliorant la résilience énergétique de toute l'Europe. Cependant, des figures politiques françaises comme Cyril Piquemal, représentant du pays au Conseil européen, ont exprimé un désaccord profond, voyant une menace pour la souveraineté nationale.
Un nationalisme énergétique en jeu
La situation actuelle nécessite l'accord des États pour tout investissement dans les interconnexions, un processus complexe que les nouvelles régulations de la Commission chercheraient à simplifier. Cela soulève des questions de rentabilité pour la France, comme l'explique Fabien Choné, expert du marché chez Direct Energie : « Les coûts des projets sont si élevés que définir qui doit payer les rendements est un sujet épineux ». Aujourd'hui, les décisions d'investissement sont soumises à des analyses custo-bénéfice par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) française, mais cela pourrait changer si l'évaluation était transférée à l'ACER, l'organe régulateur européen.
La France craint également l'influx massif d'énergies renouvelables espagnoles, qui pourrait déséquilibrer son secteur électrique. Jacques Percebois, économiste, souligne que « ce surplus énergétique pourrait provoquer une chute des prix, mettant à mal la rentabilité des producteurs locaux » en particulier d'EDF, qui a besoin de prix stables pour rentabiliser ses centrales nucléaires.
Enjeux économiques pour les consommateurs
Les frais d'interconnexion, in fine, seront supportés par les consommateurs via la tarification réglementée (Turpe). Bien que RTE ait réussi à réduire certains coûts grâce à des recettes provenant des rentes de congestion, les nouvelles propositions de Bruxelles pourraient modifier ce système. La Commission prévoit de réaffecter 25 % des surplus à un fonds commun pour financer des projets européens, une idée qui suscite déjà des résistances.
« On ne peut pas accepter qu'un bénéfice global européen se fasse au détriment des pays qui investissent de manière stratégique », considère Choné. Des concurrents comme la Finlande ont déjà tiré la sonnette d'alarme sur ce sujet, soulignant les dangers d'un système qui pourrait désavantager les pays les plus vertueux. La Commission, quant à elle, assure que sa politique favorisera l'efficacité énergétique et baissera les coûts globaux.
Alors que des projets concrets se dessinent, comme l'interconnexion dans le Golfe de Gascogne entre la France et l'Espagne, dont le coût est estimé à 3,1 milliards d'euros, les débats sont loin d'être tranchés. La question reste : qui paiera pour ces évolutions et où se placeront les priorités énergétiques sur le vieux continent ?







