Ce lundi, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a donné le coup d'envoi des conférences sur la souveraineté alimentaire au marché de gros de Rungis, symbole de l'approvisionnement agricole français. L’objectif : retrouver l’indépendance sur le marché intérieur tout en renforçant les capacités d’exportation. Selon Thierry Pouch, économiste au service des Chambres d’Agriculture, il s'agit d'un « défi colossal ».
Avec une vaste surface agricole de 28,3 millions d’hectares, la France est incontestablement la plus grande ferme d’Europe. Cependant, de nombreux produits essentiels ne sont plus produits localement en quantité suffisante. Les statistiques révèlent que la France importe plus de la moitié de ses poulets, un tiers de ses fruits, 60 % de son miel et 80 % de ses produits de la mer. Cette dépendance s'accompagne d'une balance commerciale agricole qui se dégrade, la France tombant de la deuxième à la sixième place parmi les exportateurs agroalimentaires mondiaux depuis 2000.
Défis et opportunités
La baisse des exports s’explique par divers facteurs, notamment la flambée des prix des matières premières comme le café et le cacao, les tensions commerciales à l'échelle internationale, ainsi que le manque d'infrastructures de transformation sur le territoire. Par exemple, la France exporte encore des animaux vivants, mais importe de plus en plus de viande transformée en raison de la diminution du nombre d’abattoirs nationaux. Thierry Pouch relève également que malgré une forte production de blé dur, ce dernier est souvent exporté pour être transformé en pâtes alimentaires que la France doit ensuite importer, illustrant un manque de synergie industrielle.
Pour pallier ces lacunes, le ministère de l’Agriculture vise à élaborer un plan national ambitieux sur dix ans, en collaboration avec toutes les filières agricoles. Une question brûlante se pose toutefois : comment équilibrer l'augmentation de certaines productions avec la nécessité de réduire d'autres, étant donné que l'expansion des terres agricoles est limitée ? Aurélie Catallo, directrice Agriculture France à l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), souligne qu'une décision politique devra trancher entre l'accroissement de produits tels que les fruits et légumes et la diminution d'autres cultures comme celles des céréales.
Les enjeux dépassent la simple production : il est crucial d'envisager l'impact environnemental et de s’assurer que les investissements alloués à la recherche, notamment pour le développement d'alternatives aux phytosanitaires, soient efficaces. La stratégie actuelle inclut également des mesures visant à freiner l'artificialisation des sols et à répondre aux besoins d'une main-d'œuvre qui se raréfie dans le secteur.
Avec cette initiative, les acteurs du secteur espèrent non seulement renforcer la position de la France sur le marché international, mais aussi garantir une alimentation de qualité pour les Français, répondant à leurs préoccupations croissantes en matière de durabilité et de traçabilité.







